Il y a quelques semaines sortait le nouveau film d’Ang Lee : L’Odyssée de Pi. Ce film est une adaptation du best-seller de Yann Martel, il retrace l’épopée fantastique d’un jeune garçon survivant à un naufrage et vivant sur un canot de sauvetage en plein océan Pacifique, avec pour seul compagnon un redoutable tigre du Bengale nommé Richard Parker.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, je vous propose de voir la bande-annonce :
Le roman de Yann Martel, soulève des questions très spirituelles comme la morale religieuse et l’existence de Dieu. Ang Lee a-t-il su retranscrire les idées du livre ?
Petit crochet sur le roman, au début du livre, Pi adulte travaille sur une thèse « la théorie de la cosmogonie d’Isaac Louria, le grand cabaliste du XVIe siècle de Safed. ».
Qu’est-ce que la cosmogonie ? C’est une théorie portant sur l’origine de l’univers et des systèmes solaires, et la manière dont notre réalité est devenue ce qu’elle est. Le rabbin Louria est plus connu sous le nom du Arizal, ce qui signifie « le lion sacré ». Il est le père de la pensée cabalistique moderne.
Le tigre du Bengale serait-il un lion caché ? C’est-à-dire la représentation cachée du Rabbi Isaac Louria ?
Depuis des siècles, les théologiens ont toujours essayé de comprendre comment Dieu, qui est infini, a pu créer un monde fini. Selon la pensée cabalistique, la question est encore plus pertinente. Car le judaïsme en tant que première religion monothéiste croit bien sûr en un Dieu unique, mais également que « Dieu est un » et qu’il n’existe donc rien en dehors de lui. Si tel est le cas, comment expliquer notre existence ? Ou plus précisément, comment une réalité autre que Dieu pourrait-elle exister ?
Du Arizal a proposé cette théorie suivante : pour que Dieu puisse créer un monde fini, il a dû contracter son essence infinie, créant un vide apparent dans lequel une réalité autre que lui pouvait exister. Le monde est né dans ce vide qui met en scène un décor où Dieu, le metteur en scène, est totalement caché. S’il devait se révéler, nous cesserions d’exister, nous fondant de nouveau dans l’unicité infinie de son essence, comme une petite bougie face au soleil.
Un film qui nous laisse le choix !
Pour préserver notre libre arbitre, Dieu doit se cacher. Le mot hébreu pour le monde, olam, vient de la même racine que le mot helem qui signifie caché. Aussi dans ce monde caché, exerçons-nous notre libre arbitre, soit pour adopter l’illusion d’une « réalité » dépourvue de Dieu, soit pour trouver Dieu et ainsi nous connecter à l’ultime « réalité ». Ce choix nous appartient.
Le terme hébraïque pour décrire le retrait de Dieu est Tsimtsoum. Dans le film, le Tsimtsoum est le bateau qui fait naufrage. Ainsi le naufrage du Tsimtsoum transforme-t-il la vie de Pi en un total chaos, l’arrachant cruellement à sa famille.
Dans cette épreuve Pi a 2 choix possibles : soit, il voit le monde comme un lieu cruel et remplit de souffrance, soit il voit « une meilleure histoire », celle d’un monde rempli de sens, d’amour et de miracles. D’ailleurs, Pi sera confronté à cela face aux experts japonais qui ne veulent pas de sa version « romancée », mais ils ont besoin d’entendre une version plus « réaliste » pour leurs rapports.
Le message que nous transmet Pi est le suivant : nous pouvons choisir notre façon de percevoir la réalité. Ainsi, nous pouvons comprendre pourquoi, du point de vue de Pi, il n’est pas contradictoire d’appartenir à trois religions différentes. D’ailleurs dans le livre, Pi cite Gandhi : « Toutes les religions sont vraies ». Aussi, si croire en Dieu est une décision personnelle nous permettant d’embellir notre vie, alors tout ce qui peut nous aider à atteindre ce but est parfaitement possible. C’est pourquoi, l’Islam, le Christianisme et l’Hindouisme ne peuvent pas tous constituer une « Absolue Vérité ». Mais, ils peuvent chacun exprimer des aspects de Dieu. Pour Pi, Dieu est une idée spirituelle nous permettant de mieux nous connaitre et donc de mieux comprendre le monde qui nous entoure. C’est un choix rempli de sens et d’amour.
Pour répondre à la question de départ : est-ce qu’Ang Lee a su retranscrire les questions du livre ? Je pense que ce film retranscrit bien ces questions, sur la naissance de l’univers, sur l’existence de Dieu. Le seul survivant est celui qui a fait un cheminement spirituel, ce qui n’est pas le cas des autres passagers. Est-ce que dans cette épreuve Dieu veut lui montrer qu’avec la foi, nous pouvons survivre à toutes les épreuves que l’on traverse ?
A travers ce film, il n’appartient qu’à vous de vous faire votre propre opinion sur son histoire : faut-il, comme les experts Japonais, rester sur l’histoire la plus plausible ou bien alors croire celle que Pi nous raconte sur sa miraculeuse survie avec un tigre du Bengale et sa rencontre avec Dieu ?
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